Aujourd’hui tu as pris la décision de nous quitter tous. Tu ne réalises pas quel tsunami ton départ représente. Pour nous tous : tes parents, ton petit frère, ta famille, nous, ta belle-famille. Et ma fille. Nous vivons un cauchemar. Nous avons du mal à réaliser que nous ne te verrons plus, que ma fille ne te serrera plus jamais dans ses bras, elle qui n’a connu que toi depuis ses 15 ans.
Que n’avons nous pas vu ? Pourquoi ? Que n’avons-nous pas décelé de si infiniment triste en toi ? Tu me manques déjà, mon grand. Je t’aimais tellement ! Pour moi tu aurais été le gendre idéal. Je le disais tout le temps ! Tu aurais été un bon papa pour cet enfant que Lola et toi n’avez pas pu garder parce que vous êtes encore étudiants. Comment va-t-elle réagir à tout ça ? Que va-t-elle devenir sans toi ? Comment va-t-elle s’en sortir ? Je ne sais pas si je vais être suffisamment à la hauteur pour l’accompagner dans ce deuil brutal et violent. Et tes parents ? Comment survivre à ça ? Ton père déjà si fragile. Ta maman qui porte tout et tout le monde. Comment les aider ? Que leur dire ?
Nous sommes dévastés par ton départ et cette décision tragique que tu as prise. Vous étiez ensemble hier soir. Elle ne comprend pas. Elle est encore jeune, tu sais, elle n’a pas compris tes alertes et te répondait avec sa colère et son désarroi. Elle savait que tu n’allais pas bien mais elle n’a pas pu penser que tu irais jusque là.
Son père est aux Etats-Unis en ce moment. Je pense qu’il va écourter son séjour, même s’il n’y est arrivé que depuis trois jours. H., si seulement tu l’avais entendu hurler de douleur quand je lui ai appris cette si triste nouvelle ! Nous t’aimions tous et tant.
Je ne sais pas quoi dire. J’ai envie de te parler comme j’aurais dû le faire, en fait, depuis quelques jours. L. était désorientée, elle ne savait pas comment t’aider. Ton mal être lui faisait peur et en même temps elle ne pouvait pas te laisser malgré son envie de vivre et de s’amuser. Elle était tout le temps entre toi et la vie. Est-ce une des raisons pour lesquelles tu es parti ? Pour la libérer et lui donner l’opportunité de vivre dans la joie que tu ne pouvais plus partager ?
Comme je regrette de ne pas t’avoir appelé, mon H. J’allais le faire aujourd’hui et un patient a dû arriver et j’ai zappé, comme d’habitude. L. t’a parlé jusqu’à 14h45 environ ; puis comme tu ne répondais plus elle a pensé que tu dormais car elle savait que la révision de tes examens de la semaine prochaine te fatiguait autant qu’ils t’angoissaient.
Tu venais d’arrêter la Beu comme vous dites depuis quelques jours. Est-ce cela aussi qui t’a fait descendre aux enfers ? Pourquoi ne pas avoir attendu la fin de tes examens pour arrêter cette merde ? Je n’ai pas pu t’aider, H., mon presque fils. Je pourrais te parler des heures mais cela fait des heures que nous te pleurons tous, et je ne voudrais pas t’ennuyer davantage.
L. n’a pas voulu rester dormir chez moi. Elle a préféré rentrer chez son père avec son amie venue pour la soutenir. Je vais tâcher, je te le promets, de m’occuper au mieux d’elle afin qu’elle ne tombe pas, elle aussi, dans cette dépression qui t’a volé ta vie. Comme l’a dit A. tout à l’heure : ton départ est d’une infinie tristesse.
Je t’embrasse, mon grand. Sache que tu feras toujours partie de notre famille. Tu auras ta place parmi nous. Bon voyage. Bonne nuit à toi !
Agnès
H. avait 22 ans depuis quelques jours. Il était le petit ami de ma fille L. depuis 5 ans.
Comme vous, mon gendre était mon enfant et le compagnon de ma fille, il avait vingt-ans ans quand il a été assassiné il y a trois ans par un policier. Ils étaient ensemble depuis cinq ans et il était devenu mon enfant peu à peu.
Il était le bien incarné, travailleur, toujours à rendre service...
Aujourd'hui je supporte, j'ai double peine, la mienne et celle de voir souffrir ma fille, son meurtrier a brisé nos familles.
Et non, le temps ne fait rien contre la douleur, je n'ai plus peur de mourir car je sais qu'il me guidera dans la lumière et que je le rejoindrai.
Je t'aime, Romain.