Accueil / Témoignage / “J’avais besoin de commémorer tout”

“J’avais besoin de commémorer tout”

repos-eternelQuand j’étais enfant je trouvais quasi indécent les anniversaires de mort : les 200 ans de la mort de Mozart, les 300 de celle de Molière… Je n’en voyais pas l’utilité, le concept me gênait.

Et puis ma fille est morte, à 19 ans, en 2010. J’ai revu alors complètement mon jugement. J’avais besoin de commémorer tout. Sa date de naissance, sa fête, sa date de rencontre avec son amoureux et ce jour honni parmi tous, celui de sa mort le 21 mars.

J’ai vite compris que ces commémorations seraient souvent solitaires car tout rappel à Alice, faisait souvent si mal. Peu avaient envie de célébrer cela. J’ai regardé avec envie le passé, ce temps avant que les rituels funéraires s’appauvrissent. J’ai regardé aussi avec envie le Japon qui continue de célébrer le troisième anniversaire de la disparition, le septième , le dixième… avec un cérémonial très orchestré.

Mais tout cela n’est plus, tout cela n’est pas. Alors j’ai décidé d’inventer des choses. Pour sa date de naissance : un resto étoilé avec mes sœurs car Alice se destinait à devenir chef.
Pour sa date de mort, cela varie selon les ans. Une fois un court voyage à Angers pour aller découvrir le tableau de l’Apocalypse, je trouvais le sujet tellement approprié. Une autre année une balade à cheval en baie de somme avec son papa, en mémoire du talent de cavalière d’Alice.

Et il y a tous les petits rituels de la famille ou des amis, qui n’oublient pas. La confection d’un gâteau, une bougie allumée… Toutes ces petites attentions qui me touchent et me sont précieuses.

Je pense peut-être à faire quelque chose de plus collectif pour le dixième “anniversaire”. J’ai ce début de projet, vais-je oser ?
Même si le mot “anniversaire” peut paraître inconvenant, on peut en inventer un autre, dire hommage, commémoration, souvenir. L’important est que notre “manquant(e)” soit avec nous ce jour-là, sans doute encore plus que les autres jours.

Agnès, bénévole à Apprivoiser l’Absence.

2 commentaires

  1. Mes parents ont perdu mon frère aîné lorsque j'avais huit mois; lui en avait quatorze.

    Toute ma petite enfance j'ai accompagné ma mère au cimetière quasiment tous les jours. Elle mettait des fleurs au moins une fois par semaine sur sa tombe. Elle avait besoin de ce rituel quotidien. Mon père a fait une grave dépression un an après son décès.

    S'l m'a fallu de très nombreuses années pour comprendre cette douleur infinie, je ne suis toujours pas débarrassée, ni ma sœur, ni mes autres frères de cette "culpabilité" d'être vivant. C'est horrible de perdre un enfant mais c'est horrible aussi de perdre un frère ou une sœur.

    Restez vivant pour les vivants est aussi très important même si c'est très difficile d'y arriver.
    Quelqu'un a dit, il me semble : "Essayons d'être heureux, ne serait ce que pour montrer l'exemple"
  2. Bonjour Agnès,

    Ma fille Lise avait 21 ans quand elle nous a quittés en 2017.
    Elle faisait du piano et pour les dix ans de son départ, nous sommes allées avec ses sœurs à Londres voir Yann Tiersen qui donnait un concert au Royal Albert Hall. Nous étions ce soir-là en symbiose avec Lise. On voulait faire quelque chose qui marque son absence. Donc, je vous comprends très bien.

    Tous les ans, le 25 octobre, nous essayons de faire de cette journée, une journée spéciale pour Lise et pour nous.

    Affectueusement, Muriel

Réagissez

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'une étoile *

Votre commentaire sera publié après validation.

*