Quand tout est à réinventer, quand on ne sait plus soi-même qui on est, on cherche à tâtons
des nouveaux chemins pour avancer. L’écriture m’a permis de déposer ce qui m’encombrait,
ces émotions dont je ne savais plus quoi faire après la mort par suicide de ma fille. L’écriture m’emmène ailleurs, me permet de me décentrer de ma peine. Je fais le choix de me poser et de regarder en face ce que j’ai à traverser. Sans crainte. Je propose au lecteur mes réflexions sur l’absence, sur le besoin de solitude, sur la relation aux autres qui se modifie, sur ce qui me fait du bien et m’apaise. L’écriture m’aide à mettre au monde la femme que je suis aujourd’hui, toujours la même et pourtant si différente.
J’ai fait le choix d’écrire ce livre à la troisième personne. C’est une mère qui parle de sa fille. Ce pourrait être n’importe quelle mère. C’est une mère qui parle du temps, du temps du deuil, de laisser du temps au chagrin de se dire, aux larmes de couler, du besoin de redire l’amour qu’elle porte à son enfant. C’est une mère qui avance au fil de l’eau qui se surprend à entrevoir la lumière là où ne régnait que le chaos.
C’est une mère qui parle de ce chemin d’acceptation de cette nouvelle vie qui s’offre à elle. La vie refleurit petit à petit, elle redécouvre ses saveurs, sa beauté. Au lieu de s’éloigner, sa fille lui devient plus proche. Un autre lien se construit, invisible aux yeux des hommes.
L’absence devient en quelque sorte présence.
Donc comment lui refuser de partir avec ses amies. En laissant son ami car elle devait partir avec lui la semaine d’après. Cette nuit du 11 juillet tout a basculé et je sais toujours pas comment cela est arrivé et pourquoi nous ? Un coup de téléphone à 8h00, les services de L’hôpital pour me prévenir que Chloé a été admise dans le service d’urgence à 1h50 du matin... Le médecin m 'informe qu'elle est placée en coma artificiel. Je prends la voiture pour faire les 350 kms qui nous sépare, je suis seule avec ma maman...
A 10h30 nous passons un coup de téléphone et là tout bascule; du coma artificiel au coma profond plus arrêt cardiaque, faire le reste des kilomètres qui nous sépare c'est une angoisse...
Arrivée à 12h10 au service réanimation, le médecin nous annonce un 2eme arrêt cardiaque. La nouvelle vous écrase, anéantit et vous ne comprenez rien à ce qui vous arrive. Jusqu'au lundi 13 juillet à 12h10 où Chloé est déclarée décédée.
Depuis l'enfer. Je m'en veux de l'avoir laissée partir avec des amies qui n’ont pas été capables de m'appeler cette nuit-là.
J'en veux à l’hôpital qui n'a pas été capable de la prendre en charge (2 scanners sans avoir été lus).
J'en veux au Samu qui ne m'a pas avertie.
J'en veux d’avoir si peu de chance.
J'en veux aussi à la vie, aux autres amis qui ont toujours leur enfant. Pourquoi eux et moi j'ai dû perdre mon fils, leur vie est la même, la mienne est dévastée par ce drame, je suis partie avec lui, une autre personne est ici en train d'écrire, une maman qui a si mal, qui ne se retrouve plus mais qui essaie d'avancer mais une question restera toujours : pourquoi MOI, pourquoi NICOLAS ?
Voilà on en veut à la terre entière, tellement c'est injuste; mais on n'a aucun choix et aucune parole ne peut nous consoler ou nous rendre la personne qu'on aime le plus au monde, notre enfant. J'ai un vide en moi depuis qu'il est parti, j'ai un trou au fond de moi et ce trou il restera ouvert à jamais. Il ne faut pas vous sentir coupable car votre fille méritait sa sortie, vu qu'elle avait tout réussi; comme mon fils méritait la réussite de son commerce et un rhume un médicament, car il voulait ouvrir son magasin de fleurs, satisfaire ses clients. Un choc allergique et il meurt dans son lit. Mais comment lui en vouloir ? Il avait de l'ambition, des rêves et je ne pouvais rien faire pour le calmer dans ses projets. Si j'avais dit "Nicolas, repose-toi, ne prends pas ce médicament", il serait encore là. Je l'ai vu la veille au soir et il est mort durant la nuit. Je n'ai pas dit "ne prends pas ce médicament". De toute façon, il avait 25 ans et ne m'aurait pas écoutée. Personne n'est coupable, mais j'en veux à... je ne sais pas qui, mais je le déteste; et je ne veux qu'une chose, que l'on me rende mon fils, rien que cela.
Voilà on est tous dans le même bateau, car on est maman et que l'on aime nos enfants plus que tout.
Votre réponse est très juste, nous sommes dans le même bateau sauf que je suis sure que la vie est plus acceptable lorsque que nous avons d'autres enfants. Chloé est une enfant unique et je l'ai élevée seule, sans son père.
Je me retrouve seule, sans enfant, dévastée par la douleur; avec la douleur de la grand-mère de Chloé en prime. Plus d'avenir, plus rien ne me raccroche.
Pendant 18 ans, je me suis battue plus lui donner le meilleur et aujourd'hui ma vie n'a plus de sens. Je ne me retrouve plus, je ne supporte plus ces personnes qui sont trop heureuses avec leurs enfants, je veux qu'on me rende ma fille.
Les nuits, je pleure et je vais la retrouver !
Vous avez raison, mes enfants me permettent de continuer mais parfois l'envie de retrouver Nicolas est grande; j'ai dû subir une opération et j'étais persuadée que pendant l'anesthésie j'allais rentrer en contact avec lui; quand je me suis réveillée, j'ai dit que je ne l'avais pas vu. Je m'en foutais de partir car je pensais que j'allais le retrouver et non rien.
Des pensées pareilles sont bizarres, la vie a moins d'importance pour moi mais je dois penser aux autres et je sais que mon fils ne serait pas content de moi. Il m'a connu avec un caractère fort, à me battre pour beaucoup de choses de la vie, divorce, perte de mes parents, maison à préparer pour les enfants avec un salaire et ils sont fiers de moi. Votre fille a tout réussi également et cela grâce à une maman qui était forte pour deux pour lui permettre d'étudier et de faire sa vie, elle ne voudrait pas non plus que vous pensiez à la retrouver car je pense que cela n'existe pas, on peut croire à certains moments que l'on partage avec eux; mais partir ne la fera pas revenir et elle ne serait pas contente; vous devez vivre pour vous, pour son souvenir pour parler avec moi et d'autres parents qui ont besoin l'un de l'autre.
Moi aussi les familles qui ont encore tout, je ne les supporte plus, alors je les évite pour le moment; et s'ils ne comprennent pas et bien c'est ainsi, je ne me force plus, je ne veux pas me sentir encore plus mal, je veux juste que mon Nicolas soit là pour mon anniversaire ce mercredi, pour le voir dans son magasin de fleurs, le voir féliciter sa soeur; oui avoir des enfants est plus facile mais aussi cruel car on sait qu'il ne sera plus là pour la réussite, pour le mariage , pour la naissance, à chaque événement des mes deux autres enfants. Nicolas n'est plus là, c'est aussi une souffrance énorme. En fait rien n'est bon, la perte, le manque, la souffrance est là et pour toute notre vie, à nous d'essayer de vivre avec pour que nos enfants disparus s'ils peuvent nous voir soient toujours fiers de nous. Si vous besoin de moi, Stéphanie je suis là également. Dominique de Belgique.
Après "La vie quand même" que Elisabeth de Gentil Baichis a écrit avec son mari Eric, voici un deuxième livre, écrit cinq ans après le décès de Camille. Sa maman nous parle de sa fille encore, toujours, autrement, nous parle de ce temps du deuil qui doit se vivre avec ses oscillations, du manque pour toujours, de la peine qui continue de se dire avec réserve et sensibilité, avec force aussi, du besoin de parler encore et toujours de l'enfant tant aimée.
L'auteur nous emmène dans un beau voyage au pays du deuil où la confiance est là aussi et la vie également.
J'ai aimé les mots, le ton et le parcours de sa maman qui ose nous dire que "le temps ne respecte pas ce qui se fait sans lui" (proverbe indien), qu'il importe de respecter son propre rythme et d'écouter ses besoins pour retourner vers la vie, vers les autres.