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Journée “Frères et soeurs” à Vannes

L’antenne de Vannes d’Apprivoiser l’Absence a organisé le samedi 14 janvier 2012 un atelier “Frères et sœurs en deuil” animé par Valérie Brüggeman, sœur endeuillée et psychothérapeute et par Agnès Carpentier, maman en deuil et animatrice à Apprivoiser l’Absence Paris.
Cet atelier a été organisé à la demande de parents de nos groupes d’entraide qui se sentent démunis face à la détresse de leurs enfants qui doivent faire le deuil de leur frère ou de leur sœur ainsi que de la famille d’avant.
Seize frères et sœurs venant de la région vannetaise et du grand ouest se sont donc retrouvés pour échanger et partager une même souffrance. Nous publions ici les témoignages chargés d’émotion de quelques-uns des participants.

Un réel soulagement de pouvoir s’exprimer

Un jour mes parents sont revenus de la réunion des parents endeuillés organisée par l’association Apprivoiser l’Absence. Ils m’ont annoncé qu’une journée était prévue afin de réunir des frères et sœurs endeuillés. Après une réflexion très difficile, un questionnement important et une appréhension grandissante j’ai tout de même accepté d’aller à cette journée.
Les jours avant cette dernière étaient très pénibles, le stress et l’angoisse augmentaient, la peur de l’inconnu broyait mon ventre et l’appréhension de devoir raconter le décès de ma sœur était de plus en plus grande.
Le matin même, c’est la boule au ventre que je me rends dans cette salle où déjà plusieurs personnes sont réunies. Et puis la journée a commencé, les paroles s’entrelaçaient, les émotions surgissaient. Nous avons tous expliqué ce qui nous était arrivé, nous avons tous écouté, certains ont pleuré, d’autres ont exprimé de la colère, etc. Nous avons partagé l’espace d’une journée nos émotions et sentiments.
Quand vient l’heure de repartir, c’est avec tristesse que je quitte cette salle, devenue pour l’espace de quelques heures un cocon de repos intérieur. Je dois dire au revoir à toutes ces personnes que j’ai appris à connaître, avec qui j’ai tissé des liens, ces personnes qui m’ont donné envie d’en savoir plus sur leur vie et sur leur frère ou sœur décédé.
Cette journée fut difficile émotionnellement, très fatigante aussi. Mais ce fut un réel soulagement de pouvoir s’exprimer, d’être écoutée et surtout comprise, de rencontrer des gens comme moi, de ne pas me sentir seule, d’échanger avec des personnes ayant les mêmes points de vue que moi.
Bien sûr, j’ai gardé contact avec certaines de ces personnes et j’espère les revoir bientôt si ce n’est pas déjà fait.

Alicia (sœur endeuillée de sa magnifique et indispensable sœur jumelle)


Quel bonheur d’avoir pu partager nos douloureuses histoires

Quelle belle journée avec ce groupe. Quel bonheur d’avoir pu être présent et d’avoir pu partager nos douloureuses histoires. Le deuil est synonyme de tristesse, de douleur, de colère, nous le savons, nous les subissons, nous les combattons.
Mais le deuil, c’est aussi des rencontres, des moments de bonheur que nous savons prendre à chaque instant, c’est aussi du courage, de la force, de la sincérité. Voila ce que j’ai ressenti durant cette journée. Une bouffée d’air pur et sincère.
Cette journée restera gravée en moi pendant longtemps et me donnera du courage pour continuer mon combat. Ma pensée se dirige vers ma petite soeur et à tous les frères et soeurs décédés : “Nous continuerons à parler de vous, à vous faire vivre en nous car vous êtes la source de notre vie“.

Alexandre


J’espère qu’il y aura un acte II

Acte I
Scène 1
Extérieur jour

Rive gauche du port, le ciel est magnifique, lumineux. C’est le premier vrai matin d’hiver, le froid pique le visage.
J’ai étrangement bien dormi cette nuit, moi l’insomniaque ! Je marche avec Laurence, sereine, je me sens bien, je suis super contente de partager cette journée avec elle.
Au loin quelques silhouettes attendent devant “la maison de la famille”. Claire vient nous ouvrir, nous entrons par un porche, nous nous saluons, je croise les premiers regards, ils ont ce “je ne sais quoi” en commun, tristes et beaux.

Scène 2
Intérieur jour

Une salle de réunion, de nombreuses chaises disposées en demi-cercle, il fait bon, il y a une bonne odeur de café chaud.
Valérie et Agnès se présentent, elles sont très accueillantes et nous mettent à l’aise.
Malgré toute l’atmosphère est assez tendue, nous sommes assis, Valérie nous annonce le programme de la journée “accueillir, donner, recevoir”… Il faudra utiliser le “JE”…

Scène 3

Tour de parole pour les présentations : notre prénom, le prénom et l’âge de notre frère ou sœur décédé, date de la mort et circonstance, Valérie insiste : il faut nommer avec précision le « comment il est mort ».

Je retiens ma respiration, mon cœur s’emballe, les histoires sont brèves et intenses, une boule d’émotion dans la gorge.
C’est mon tour, je me lance ; il faut accoler des mots qui ne vont pas ensemble : Florent mort à 28 ans, en 2009, dans l’Océan Indien une balle dans la tête, assassiné, c’est dur, difficile, Valérie m’aide.
En quelques mots, nous sommes entrées dans l’intime de chacun, déjà nous formons un groupe fait de la même fragilité, la même amputation.

Scène 4

La parole est libre, c’est assez magique, ça roule ; valse d’émotions : des rires, des chagrins, des larmes, des beaux mots, des prises de conscience, des blagues…
La complicité est immédiate, pas de pudeur, pas de faux-semblant, je me livre comme si nous nous connaissions depuis toujours. Ici, je peux enlever le bouclier de protection.
J’écoute toutes ces histoires, pour en connaître davantage, sans voyeurisme, les deux pieds dans l’empathie.
J’avance dans cette quête du vouloir comprendre, pour moi, pour eux, “QUI” nous sommes devenus après la perte de notre moitié, cet être fait du même moule que nous, nos doubles, nos âmes sœurs, nos complices, mon doudou.

Ce vide qui est là et qu’il faut apprivoiser.

Valérie et Agnès nous guident à travers les dédales de nos peurs, de nos questions.

Scène 5

Un repas partagé, les pauses clopes, hors du cadre, les débats ne s’arrêtent pas, nos frères et sœurs sont notre sujet…Certains se livrent un peu plus en hors champs, grâce à cette proximité, je comprends mieux certaine personnalité.
Ce don de soi est resté en suspension toute la journée dans notre salle de réunion, un moment hors du temps. Je n’ai d’ailleurs pas vu la journée passer.
Je n’étais rien venu chercher, juste envie de partager, peut-être trouver de nouvelles réponses à des questions que je ne m’étais pas encore posées. Grâce à cette drôle de tribu, un lien est né : l’appartenance à un même état de manque, ce niveau de communication authentique et simple, cette même conscience d’un monde qui ne sera plus celui d’avant.
Wendy en partant nous a dit “j’aimerais vous amener tous à la maison”, lorsque je me suis endormie, vous étiez tous les 15 avec moi pour rendre visite à Morphée, c’était doux.
À notre nouvelle vie ! Merci.
J’espère qu’il y aura un Acte II…

Agathe


Nous deux ensemble comme avant

J’avais peur de venir, peur de tomber le masque (qui me va plutôt pas mal !), car je savais que face à des personnes qui ont vécu la même chose, on ne peut pas faire semblant (quel intérêt ?), on leur doit la vérité…
Et finalement ce que j’ai vu, ce sont de belles personnes, toutes si différentes, avec leur colère, leur silence, leur doute, leurs larmes, leur tristesse, leur humour, leur HUMANITE… Leur point commun : l’amour porté a leur frère, leur soeur… J’ai senti a quel point chacun d’entre eux portait son frère, sa soeur, en lui… C’est la première fois que je sens cette chaleur depuis le 4.12.2009.
J’étais venue par amour pour mes parents pour qui je me soucie tant, mais en fait j’étais là pour Brice et moi, nous deux ensemble comme avant… Nous avions une relation rien qu’à nous Avant. Pourquoi pas après ?

Rozenn


Sentir le droit d’être profondément meurtri…

Beaucoup d’entre nous y allaient à reculons. La première vue sur une rangée de chaises en rond fait tout de suite penser que le moment va être compliqué, qu’on va devoir dire des choses.
Et puis finalement je me suis sentie à l’aise. On partage librement nos émotions, nos souvenirs, nos moments difficiles et nos craintes. Ça fait déjà 6 ans qu’Anne n’est plus là et qu’elle me manque. Et cette rencontre m’a fait du bien. J’ai pu comprendre des choses et savoir ou j’en étais. Chacun a pu, je pense, se sentir au bon endroit et entouré des bonnes personnes pour se livrer. On a pu se sentir compris et moins seul.
Cela permet aussi d’échanger avec le frère ou la sœur qui est toujours là et à côté de soi pour cette journée. Ceci n’est pas toujours facile et on nous aide un peu ce jour-là.
Je pense qu’on a eu beaucoup de chance de participer à cette journée. C’est aussi se sentir le droit d’être profondément meurtri en tant que frère ou sœur.
Cette journée c’est aussi quelques réponses pour savoir comment cette perte et ce manque vont nous accompagner dans nos vies.
Comme les autres j’espère garder contact avec ce groupe, et j’espère que d’autres frères et sœurs auront l’occasion de partager ce même moment parce que c’est une chance de parler.

Françoise

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