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Comment leur expliquer pour qu’ils comprennent

Depuis plusieurs années circule cet émouvant témoignage d’une mère en deuil. Il constitue un véritable mode d’emploi pour tous ceux qui ne savent plus trop comment se comporter avec nous, parents en deuil.
Merci à Dominique qui nous l’a transmis de Belgique, il y a un moment déjà.


J’aimerais que vous n’ayez pas de réserve à prononcer le nom de mon enfant disparu, à me parler de lui. Il a vécu, il est important encore pour moi, j’ai besoin d’entendre son prénom et de parler de lui. Alors ne détournez pas la conversation.

Si je suis émue, que des larmes m’inondent le visage quand vous évoquez son souvenir, soyez sûr que ce n’est pas parce que vous m’avez blessée, c’est sa disparition qui me fait pleurer, il me manque ! Merci à vous qui m’avez permis de pleurer ! Car chaque fois mon coeur guérit un peu plus.

J’aimerais que vous essayiez de ne pas oublier mon enfant, d’en effacer le souvenir chez vous en éliminant sa photo, ses dessins ou autres cadeaux qu’il vous a faits, pour moi, ce serait le faire mourir une 2ème fois.

Etre un parent en deuil n’est pas contagieux, ne vous éloignez pas de moi.

J’aimerais que vous sachiez que la perte d’un enfant est différente de toutes les autres pertes : c’est la pire des tragédies. Ne la comparez pas à la perte d’un parent, d’un conjoint, d’un animal.

Ne comptez pas que dans un an, deux ans, dix ans, je serai guérie, je ne serai jamais ex-mère de mon enfant. J’apprendrai à survivre à sa mort et à revivre malgré ou avec son absence.

J’aurai des hauts et des bas. Ne croyez pas trop vite que mon deuil est fini, j’espère que vous admettrez mes réactions physiques dans le deuil : peut-être vais-je prendre ou perdre du poids, dormir comme une marmotte ou devenir insomniaque, le deuil rend vulnérable.

Sachez aussi que tout ce que je fais et que vous trouvez un peu fou est normal pendant un deuil. La dépression, la colère, la culpabilité, la frustration, le désespoir, l’isolement, l’agressivité et la remise en question des croyances et des valeurs fondamentales sont des étapes du deuil d’un enfant. Essayez de m’accepter dans l’état où je suis momentanément, sans vous froisser.

Il est normal que la mort de mon enfant me fasse perdre courage, ambition ou projets d’avenir, je ne vis que de son souvenir, donc dans le passé. Je peux aussi être démotivée dans mon travail, je le fais par habitude, pour survivre, mais parfois sans conviction, ne m’en voulez pas.

J’aimerais que vous compreniez que le deuil transforme une personne, je ne suis plus celle que j’étais avant et je ne le serai jamais plus. Si vous attendez que je redevienne comme avant, vous serez toujours frustré. Je deviens une personne nouvelle, avec de nouvelles valeurs, de nouveaux rêves, de nouvelles aspirations, de nouvelles croyances.

Je vous en prie, efforcez-vous de refaire connaissance avec moi, peut-être m’apprécierez-vous de nouveau. Je n’arrive plus à aller au-devant de vous, je suis souvent seule, parce que j’ai besoin de temps, de réflexion, et pourtant si c’est vous qui venez me chercher, alors je serai contente.

Le jour de l’anniversaire de mon enfant, celui de son décès sont très difficiles à vivre pour moi, de même que les autres fêtes (mon propre anniversaire, la fête des mères, Noël ou même les vacances). J’aimerais que vous puissiez me dire que vous pensez aussi à mon enfant.

Quand je suis tranquille et réservée, sachez que souvent je pense à lui, alors ne vous efforcez pas de me divertir. Mais j’ai besoin de vous, de votre présence, de me sentir entourée, malgré mes sauts d’humeur.

Merci à vous qui me comprenez mieux maintenant.

Texte extrait de la Lettre des Amis compatissants du Canada

4 commentaires

  1. Bonsoir à toutes et tous,

    J’ai perdu mon enfant à la veille de ses 28 ans de manière subite: arrêt cardiaque lors d’un marathon à Barcelone, il y a quatre mois bientôt. Malgré les conseils de ma thérapeute, je commence juste à regarder les réseaux de soutien de pairs aidants.

    Ce texte et témoignage est vraiment ce que je ressens. J’ai de suite voulu me dire que mon fils devait m’élever à quelque chose de plus fort dans ma vie à travers son départ. Non pas quelque chose de plus intense mais quelque chose de plus dense, profond et honnête.

    Je vois bien que dans la foule je me sens à côté du train et avancer me demande un effort que je n’ai jamais connu. Mais ce courage que nous devons tous certainement vivre paradoxalement me fait remercier mon fils car il demande de se dépasser, d’admirer en même temps que maudire, pleurer en même temps que vouloir rire, mettre à distance le futile et se rapprocher du profond, accepter ses contradictions, regarder les indélicatesses de son entourage, les pardonner et être surprise des rencontres sincères qui naissent.

    Je suis une tortue: elle vit aussi longtemps qu’un humain, avance au sol lentement, s’allège parfois dans l’eau ou rentre dans sa carapace dure et solide mais la tortue ne recule jamais. Mon fils m’apprend qui je suis et je suis sûre que vous tous aussi votre enfant vous l’apprend.
  2. Depuis seulement un mois je lis et relis et relis ce texte dans lequel je me retrouve. Je ne pourrais pas l'exprimer de cette maniére et c'est tout à fait mes ressentis, mes douleurs, mes peines, les mots que je n'ai pas écrits (un jour peut-être j'arriverai à décrire ma douleur ainsi).
    Ma fille, Zoé est partie il y a deux ans d'un cancer qui l'a poursuivie dix ans.
    Carine
  3. Merci de partager ce ressenti que j'aurais pu écrire à l'identique.
    Ces émotions, angoisses, manques, non-dit... que l'on ressent chaque jour au plus profond de soi-même.
    Cette douleur à jamais présente qui reste, en partie, la plupart du temps, à l'intérieur de nous, afin de pouvoir réussir à gérer le quotidien, continuer à vivre, travailler, sortir, etc.
    ❤️
  4. Quelle belle humilité et discernement à faire et vivre devant une situation d’absence d’une présence qui me rejoint de par ses justes mots où la souffrance dans l’âme touche notre coeur et notre raison. Je vous comprends sincèrement à travers vos émotions et votre partage. Que Dieu nous vienne en aide!

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