Dans cette page du journal La Croix, une lumineuse chronique de Geneviève Jurgensen sur “La mort d’un enfant” et un grand article co-signé par D. Boyer, T. Châtel, S. Dumont, C. Fauré sur les endeuillés.
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Qu'entend-t-on tous les jours à la radio, à la télé ? Les conditions des prochaines vacances, les millions à injecter dans l'économie mais là, il y a des maris, des femmes, des fils et filles qui souffrent, qui pleurent, là tout juste, tout près, ils viennent de perdre un père, une mère, un grand-père, une sœur, un fils...
Le travail sous tension des soignants a mis en lumière l'impréparation des pays face à ce genre de situation mais à part évoquer tout ce qui a manqué et ce qui manque encore à l’hôpital, a-ton parlé une seule fois de ceux qui sont partis, de ceux qui restent face à ce trou béant du manque ? A-t-on montré une fois une famille, un père, une sœur qui pleure un proche disparu ? Ce qu'ils vivent et comment aujourd'hui ? La mort fait peur, on le sait, elle ne fait pas vendre des parts de marchés à la radio ou à la télévision mais soyons honnêtes, si les soignants ont sauvé des vies, d'autres n'ont pu l'être et montrer des cercueils empilés n'ajoute rien, si ce n'est pour dire : "voyez comme la mort fait peur" mais penser et parler à ceux qui restent, les soutenir, en parler et les faire parler, là ça serait constructif, là on "apprivoiserait" un peu la mort, car ceux qui ont vu partir un des leurs resteront longtemps avec la douleur.
Parler de ceux là à la radio ou à la télé, de comment on peut les aider à vivre l'après, comment ils sont aidés ou pas peut-être, mérite certainement autant, sinon beaucoup plus d'attention que de faire des reportages sur la manière dont le coiffeur va pouvoir ouvrir son salon avec sa batterie de masques et de désinfectants, des pauvres canards qui ne déambuleront plus devant la Comédie Française ou de ces jeunes gens assis en rang d'oignons sur les bords du canal St Martin à siroter un verre entre amis.
Devenons plus bienveillants, parlons à ceux qui restent...
J'ai perdu ma fille de 27 ans le 17 mars le premier jour du confinement. Ce qui a été terrible, c'est qu'elle a eu un enterrement bâclé, personne ne pouvait venir, pas d'église, même pas une bénédiction au cimetière : on a enterré nos morts comme des chiens, sans aucune bienveillance. Ce qui comptait, c'était de nous montrer tous les soirs ces hôpitaux, ces médecins qui nous parlaient de la maladie, mais rien sur ceux qui vivaient l'épreuve de perdre un être cher.
Et maintenant les gens ont repris leur petite vie, à savoir où on part en vacances et nous on reste là, dans notre douleur et on attend; mais on est bien seul face à la mort.
Vos textes sont très forts, vraiment marquants. J'ai perdu mon petit frère il y a plus d'un an maintenant (subitement, tragiquement).
Depuis je prête aussi plus attention à la souffrance des endeuillés (comme moi) et j'ai été touché et peiné de voir, de nouveau, l'attitude envers les proches des personnes décédées durant ces mois de confinement; cette impossibilité de rendre hommage, de voir les défunts une dernière fois, de nier la douleur des familles, de ne voir la mort que comme des chiffres et puis oui surtout surtout ne pas en parler, surtout, surtout vous les endeuillés, cachez-vous, on veut pas vous voir, on veut pas entendre votre souffrance, vous portez la poisse (ce que j'écris est à peine exagéré).
La négation de la peine, du deuil, l'oubli des endeuillés; à entendre des "30000 morts ce n'est même pas 1/1000 habitants"; et pour chaque mort combien de proches en détresse? ceux qui ont souffert de la perte d'un être cher devraient se taire, alors que ceux qui pestent pour devoir mettre un masque, ou crient à la torture car ils ne pourront pas partir au bord de la mer cette année s'expriment à tout va.
J'exprime un peu de colère mais sachez que je comprends ce sentiment d'être laissé seul dans sa douleur et partage votre souffrance; je vous souhaite d'être entourés du mieux possible.
Amicalement