Je suis “observatrice” (*) au sein d’Apprivoiser l’Absence depuis novembre 2008. Cette période d’observation m’a permis d’élaborer une dynamique intérieure à partir de la réflexion suscitée par l’écoute et du ressenti qui a émergé suite à l’évocation de chaque histoire déposée par nos parents endeuillés. Nous arrivons à la fin de cette session de rencontres et j’ai le sentiment d’éprouver un grand respect pour les enfants qui sont partis, pour ceux qui restent ou qui arrivent à la vie et aussi pour ces parents confrontés à la perte et à la vie inachevée de leur(s) enfant(s).
Je réalise également combien le lien créé avec mes animateurs a été important tout au long de ces mois. Avant tout, j’ai découvert deux parents, deux personnes soucieuses de permettre à d’autres parents de s’exprimer, de partager et de réfléchir à leur rythme. Aussi, nos entretiens m’ont permis de prendre une part active à la rencontre qui allait se dérouler et mon ressenti a pu être exprimé et pris en compte après chaque séance d’écoute silencieuse. Il m’est également arrivé de manifester un point de vue différent ou nuancé sur quelque chose qui avait été raconté au sein groupe ou bien relatif à une situation évoquée et, mon opinion a été accueillie sans censure et a quelquefois donné lieu à des échanges intéressants autour d’une restauration rapide ou d’une cigarette partagée.
Avec un peu de recul, j’ai le souvenir d’avoir réellement éprouvé de la souffrance après la première séance de récits. Et puis, le départ successif de trois mamans enceintes a donné lieu à une restriction progressive du nombre de parents participants. Finalement, je considère que ce qui aurait pu être perdu par la quantité des enrichissements apportés, a bien été maintenu dans sa dynamique et sa profondeur par la qualité des échanges. Contre toute attente, j’ai vécu cette confrontation à la grossesse et à cet évènement souvent heureux de la vie, sans douleur intense et cela n’a pas laissé en moi l’impression de vivre des moments pénibles de frustration insurmontable.
A présent que se profile la fin du groupe et de ce temps confortable de l’observation, je commence à éprouver de la peine à me séparer des parents, de l’histoire de chaque personne et je redoute une difficulté à envisager la rupture du lien qui s’est instauré avec mes animateurs. Je me dis que ce n’est pas la fin des raisons qui m’ont amené un jour à intégrer un groupe d’écoute et d’entraide mais qu’il s’agit plutôt de l’achèvement d’une étape qui renforce mes convictions et m’amènera peut-être à la concrétisation d’un engagement qui revêt un sens particulier pour moi.
Valérie Mounier / Octobre 2009
(*) Au sein de l’association Apprivoiser l’Absence, l’observateur est un père ou une mère endeuillé, qui souhaite devenir animateur d’un groupe de parents. Il assiste pendant une année aux réunions d’un groupe d’entraide ce qui lui permet d’observer l’animation, de vérifier la distance qu’il a prise avec son propre deuil et de s’assurer de sa motivation.