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Merci Annick

Thibaut est tombé malade en octobre 1998.
Quatre mois de chimiothérapie nous l’ont rendu en pleine forme l’été 1999.

Il ne s’agissait que d’une rémission, nous avions été prévenus.
« On ne pourra parler de guérison que dans cinq ans. »

Cependant, nous nous sommes engouffrés dans ce bonheur… sans bouder notre joie.

Joie profonde, absolue, sans concession avec une quelconque ombre menaçante. Thibaut avait survécu à ce naufrage que représente la lutte contre une maladie grave.
Le trait était tiré, définitivement.
Thibaut était sauvé.
Il était la vie, à lui tout seul. C’était l’été. Nous étions heureux avec ses frère et sœurs, heureux d’être réunis, tout simplement.

Novembre 99 et c’est l’annonce de mauvais résultats sanguins. C’est la rechute. Après l’effondrement provoqué par la réapparition de la maladie, des tests confirment qu’il pourra bénéficier d’une greffe de moelle osseuse avec celle de son frère ou de l’une de ses sœurs. Nous sommes regonflés d’espoir.
Thibaut va vaincre cette leucémie.

La chimio démarre très vite et n’obtient pas les résultats attendus pour tenter la greffe. Thibaut va mal. De plus en plus mal. Nous ne l’avons jamais vu aussi mal. Il souffre, terriblement. Nous aussi. Nous sommes démunis devant cette réalité.

L’angoisse nous envahit pour nous tétaniser, que va-t-il arriver si on ne peut pas tenter la greffe ?
Je lis dans les yeux effarés de Thibaut qu’il comprend ce qui est en train de se passer. La chimio doit « nettoyer » sa propre moelle, pour qu’il puisse recevoir celle de sa sœur et sans ce succès, la greffe n’aura pas lieu.

Notre attention se focalise sur les résultats des tests sanguins, le nombre de plaquettes… L’attente est proprement insupportable.

Notre détresse à tous, n’a pas de mot, Thibaut la vit, seul, enfermé dans son silence. Impossible de partager. Thibaut lutte de toutes ses forces pour gagner le combat.
Nous nous devons de rester debouts, il le faut, mais comment tenir ? Mon cœur est en lambeaux, je suis anéantie par la douleur physique et morale que subit Thibaut.
Depuis Londres où nous vivions, je revisionne une émission enregistrée quelques années plus tôt, des dossiers de l’écran : « Quand un seul être vous manque » dans laquelle Annick Ernoult et son mari témoignaient avec pudeur du chemin parcouru depuis la mort de leur fille Géraldine. Ils avaient fondé « Choisir l’Espoir », une association qui venait en aide à toute famille confrontée à la maladie et à la mort de son enfant.

Je téléphone chez Annick et laisse un message sur le répondeur.
J’ai l’impression de lancer une bouteille à la mer.
Le soir même, à 20h, Annick me rappelle, elle part à une réunion et convient de reprendre contact à son retour vers 23h.
Annick a senti, compris l’urgence.
Chaleureuse, douce et ferme, elle trouve les mots pour me rassurer sur la légitimité que l’on ressent à vouloir que Thibaut bénéficie du confort maximal possible. « Si la situation se dirige vers un échec des soins curatifs “Le tapis rouge” des soins palliatifs doit lui être déroulé. Aujourd’hui Thibaut a besoin de vous, et de vous très présente. APRES, l’association vous aidera. »

Annick nous a tendu la main, une main solide remplie d’encouragements à rester vrais avec Thibaut, de textes dont nous nous sommes nourris pour tenter d’avancer sur ce chemin inconnu, miné, semé de craintes, de peurs, d’effrois.
Annick nous portait dans son cœur, cadeau inestimable.
Nous avons traversé cette tempête, le mot n’est d’ailleurs pas assez fort, mais je n’en n’ai pas d’autres, grâce à Annick qui nous guidait, nous rassurait, nous ouvrait les pistes sur lesquels on pouvait se diriger pour soutenir Thibaut du mieux que nous le pouvions.

Thibaut est mort le 5 janvier 2000.
Il allait avoir 15 ans.

APRES, Annick, tu nous as aidés. Tu as tenu ta parole.
L’association que tu as créée nous a accueillis dans un groupe d’entraide. Une année entière consacrée à notre Thibaut. Une année où nous avons pu pleurer, dire et redire notre détresse, sans jugement. Evoquer notre culpabilité. Partager librement, sans douleur ajoutée, notre immense souffrance, avec celle des parents qui vivaient la même tragédie.

Nous ne ferons jamais le deuil de Thibaut, nous n’accepterons jamais sa mort. Nous apprivoisons son absence.

Annick, ce texte est pour toi, témoignage de mon très sincère et éternel remerciement ainsi que celui de Denis.

Christine Chédeville – Groupe IdF 13 – Octobre 2009

8 commentaires

  1. Voilà, cela va faire huit mois que ma fille de 33 ans est partie, atteinte par un cancer foudroyant. Je suis restée près d'elle les deux derniers mois; je l'ai vue changer, son image de souffrance reste dans ma mémoire.

    Je voudrais savoir s'il y a une association pour parent en deuil d'un enfant adulte. Je ne sais pas comment je vais faire face mais mon chagrin sera toujours là.
    Elle était la gentillesse même, ne pensait qu'aux autres et pas à elle. J'espère la rejoindre bientôt, j'ai 65 ans. Mon cœur est déchiré. Je ne verrai pas le bout du tunnel.

    Merci bon courage à tous les papas et les mamanges
  2. Je viens de perdre mon fils de 42 ans d'un cancer rare et non identifié... 8 mois de souffrance... Un combat excessivement dur à supporter et gérer. Mon fils était divorcé, donc je l'ai accompagné tout le long de sa maladie et ce, en hospitalisation à domicile.

    Dieu qu'il est inhumain pour des parents d'être spectateur de cette souffrance, de voir son enfant perdre son autonomie, de le voir perdre ses forces, de le sentir atteint dans sa chair, dans sa dignité. Nous avons vécu ensemble la descente aux enfers ! Nous avons fait la guerre, et nous avons perdu le combat ! quel sentiment d'échec ...

    Une question se pose et elle restera malheureusement sans réponse : comment mon fils a pu appréhender cette horrible destinée et gérer intellectuellement le fait que la médecine ne puisse plus rien pour lui et de savoir qu'il laissait derrière lui ses deux fils ?

    Comment nous parents, famille, amis, avons-nous pu accepter l'inacceptable : le passage au "service Palliatif" qui l'emmenait vers son dernier voyage ! Pour ma part, j'ai vécu cela comme un lieu de condamnation, où nous étions là à attendre le moment de la sentence d'un condamné jugé à tort !

    Sentiment de culpabilité, d'impuissance, de complicité avec la médecine, de trahison envers mon fils que j'aimais tant ! Comment se reconstruire après cette épreuve, comment continuer à vivre et apprivoiser son absence ? Cela me semble insurmontable !

    Je suis de tout coeur avec toutes les personnes qui ont perdu un être cher.

    Marie
    • Chère petite Marie.
      Ta souffrance incommensurable m atteint au plus profond de moi même. Ayant perdu 2 enfants adorés, je connais cette affreuse et poignante douleur qui ne nous lâche plus.

      Nous partageons ta peine comme tu as partagé la nôtre.

      De tout cœur, je souhaite que tu puisses capter ce petit souffle d'espoir qui te dit : "je suis à tes côtés, je te vois, je t'aime. On se retrouvera. Sois en paix. Je ne souffre plus, je suis bien. Avance, on se retrouvera."

      Voilà ce qui m'aide, me dire qu'ils nous voient, nous entendent.

      Continuons à leur parler.

      Plein de bisous et de pensées pour toi,
      Jacqueline.
      • Chère Jacqueline,

        Merci pour ce petit mot de réconfort et surtout de cette belle amitié qui nous lie depuis de si nombreuses années !
        Je connaissais votre chagrin, votre souffrance, mais jusqu'ici avant que Jérem ne parte à son tour, je disais comme tous les communs des mortels :
        "il n'y a rien de plus terrible que de perdre un enfant, des enfants, un être cher".

        Mais, jamais, jamais je n'aurais imaginé cette déchirure qui tiraille nos chairs, qui hante nos esprits, qui nous anéantit, qui fait que l'on bascule dans un autre univers (insomnies, sensibles à tout ce qui nous entoure, à l'affût d'un signe), nous sommes anesthésiés, groggy...

        Et, tout ce changement, le rapport avec les autres devient compliqué ! L'environnement n'a plus la même senteur, le même souffle... Notre univers est métamorphosé... Tout paraît lointain et si présent à la fois...

        Ma Chère Jacqueline, je vais m'accrocher à tes conseils et observer encore un peu plus autour de moi... J'ai une grande pensée pour vous toutes et tous qui avez traversé des moments difficiles au travers de la maladie, des accidents, des suicides... et qui osez publier sur ce réseau.

        Respectueusement,
        Marie
  3. Je viens de perdre ma fille d'un cancer (rare) je suis entourée, mon mari qui partage la même souffrance, mon autre fille malgré la distance géographique, mais je me sens tellement seule face à l' absence. Mathilde me manque tellement, je la cherche, où est elle ? Pourquoi elle ? Ce "plus jamais" est terrible. Avant sa mort, je lui ai promis que je lui parlerais chaque jour, mais je n'y arrive pas : je ne sais que pleurer.
    Je voudrais partager avec d'autres parents parce qu'il faut l'avoir vécu pour comprendre, cela maintenant je le sais.
    Vos témoignages me touchent, mais j'ai l'impression d'avoir laissé toutes mes forces dans le combat contre la maladie, que nous avons perdu.
    • Mon fils âgé de 18 ans ne s'en sortira pas puisqu'il n'existe plus aucun traitement pour le sauver... Nous nous étions promis de nous battre, de combattre mais à l'annonce du verdict, j'ai été anéantie. Il ne se rend pas compte de ce qui lui arrive car il a une tumeur cérébrale et développe des troubles cognitifs, mais nous, ses frères et moi-même savons ce qui va arriver... J'ai peur et je ne sais pas comment je vais pouvoir survivre à ça...
      • Chère Régine,
        Le 19 avril dernier, les médecins vous avaient déjà prévenus qu'aucun traitement n'allait pouvoir guérir votre fils de 18 ans atteint d'une tumeur cérébrale.
        Je me permets de vous répondre alors que nous sommes le 11 mai, et que je ne sais donc pas si votre fils est toujours en vie.

        S'il a succombé à ce cancer, je suis de tout mon cœur avec vous. Les prochaines lignes seront inutiles.

        Je comprends votre peur qui est légitime. Savoir que votre fils va vous quitter définitivement un jour plus ou moins proche, sans connaître ni le moment, ni comment, relève d'une épreuve quasi insurmontable...SAUF que votre fils compte sur vous. Vous allez réussir à l'entourer de tout votre amour avec toutes vos forces, qui vont se démultiplier pour lui. Vous pouvez lui chuchoter des mots doux, le masser, lui tenir la main... ce sera déjà énorme, pour lui et pour vous "après".
        Les médecins sont là pour qu'il ne souffre pas, au moins physiquement.
        Vous pouvez exiger qu'ils mettent tout en leur pouvoir pour lui éviter des souffrances.

        Vous pouvez joindre des associations, si vous en ressentez le besoin, vous vous sentirez alors, comprise, écoutée, soutenue.

        Je pense à vous, votre fils et ses frères bien sûr aussi.
        Christine
      • Bonjour Régine,

        Mon fils a eu une tumeur cérébrale, estrocytome grade 3 en 2016. Ils l'ont operé et chimio preventive. Chaque mois, il était de plus en plus fatigué, de ce produit nocif. L'IRM en octobre 2018 a montré que la tumeur était revenue, même deux, et que la chimio ne marchait plus.

        Il a pleuré en me racontant ces nouvelles et je voulais avec lui chercher un autre chemin pour lui rendre la santé. Mais ça a été très vite; je l'ai vu dépérir, un grand homme sportif. Que ça fait mal. J'ai massé ses mains, ses pieds, je lui ai donné des bisous.

        Trois jours avant sa mort, il était endormi profondément, je lui ai dit qu'il pouvait partir, tandis que tout mon corps criait: reste avec moi. Le 9 janvier 2019, il a respiré pour la dernière fois, j'étais déchirée.

        Jan, mon fils avait 29 ans, 1 mois. On était si proches, maintenant encore, mais je ne peux plus le toucher, promener, rigoler...

        Cela fait mal et j'espère malgré ça retrouver la joie de vivre, mon fils il a voulu ça.

        Marie Hélène

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