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Apprivoiser l’Absence : de très belles rencontres

J’ai perdu mon enfant voila plus de sept ans, après sept mois de maladie. Jusqu’aux derniers moments j’ai gardé l’espoir qu’il s’en sortirait mais la maladie l’a emporté le 5 mai 2002. Bien que nous ayons eu le temps de nous préparer à cette issue fatale, l’après fut un long et difficile parcours, où le manque, le chaos, le néant, m’ont tenaillé durant les mois qui ont suivi. Il me fallait pouvoir exprimer toute cette douleur, sortir tout ce qui était en moi, partager avec des gens qui avaient comme moi connu la perte d’un enfant. Il me semblait en effet que seuls « ceux-là » pouvaient comprendre ce que je ressentais. Mais avec qui, comment ?

C’est ainsi que mon épouse, Anne qui cheminait de son côté m’a proposé de suivre un groupe d’entraide. J’avoue très sincèrement que je n’étais pas persuadé de l’utilité pour moi des groupes de parole et pas forcément prêt à « déballer » mon histoire devant des inconnus. Néanmoins, je l’ai suivie sans réelle conviction avec toutefois la seule certitude de pouvoir rencontrer des gens comme moi et donc de pouvoir partager cette douleur immense que proches et amis n’étaient pas prêts à recevoir. Au mieux maladroits, ils ne savaient pas comment nous aborder.

Lors de l’entretien préalable, les deux animatrices m’ont demandé ce qui m’amenait, en dehors de ce qui est évoqué ci-dessus, je me souviens parfaitement bien leur avoir dit que peut être je serais à mon tour animateur. Ainsi, à l’issue de notre parcours, c’est naturellement que j’ai dit oui lorsque l’une d’entre elle me l’a proposé, comme si c’était pour moi l’évidence même. Il me fallait pouvoir donner à mon tour ce que j’avais reçu des parents, de l’association.

Je terminerai prochainement mon troisième groupe dont le premier en tant qu’observateur, une position délicate mais très privilégiée à l’issue de laquelle je me suis alors senti prêt. Puis est venu le temps d’animer un groupe, j’ai eu la chance de pouvoir le faire avec une animatrice qui de par son expérience a rassuré le co-animateur peu expérimenté et empreint de doute que j’étais. Elle m’a réellement mis le pied à l’étrier, merci Juliette pour ça.

Les parents nous viennent avec leur histoire, si différentes les unes des autres, ils ont pourtant tous au moins un point commun qui les rassemble, celui d’avoir perdu un ou plusieurs enfants. Souvent à leur évocation, une lueur pétille dans leurs yeux. Je me souviens parfaitement de tous les prénoms, des visages des enfants dont moi aussi j’ai partagé une partie de leur histoire et de leur trop courte vie.

Ils nous arrivent démunis, fragiles, tout cabossés, errants, mais avec une force en eux témoignant de leur présence et dont ils n’ont pas toujours conscience, celle de faire face, de cheminer, de dire, de pleurer, de partager… Ainsi, petit à petit ils commencent à essayer d’apprivoiser l’absence.

Je les vois évoluer au fil du temps, tantôt mieux, tantôt plus mal. Envahis de doute, de maux, de multiples questionnements qui les rongent, ils n’ont pas envie de parler ou à contrario ils arrivent avec le sourire, de l’espoir, la volonté de se reconstruire. Cette ambivalence des sentiments, des émotions, des états les caractérise bien. Alors, humblement, modestement, l’animateur que je suis essaye, rencontre après rencontre, de faire jaillir ce qui peut les aider : un thème qu’il nous a paru essentiel d’aborder, la force du groupe, celle qui les porte, les rend solidaires, soudés pour faire face.

Leurs parcours me touchent et il n’est pas toujours facile de rentrer à la maison après les avoir quittés tant ils étaient mal parfois. Il m’arrive également de douter quant au fait de ne pas avoir réussi là où j’aurais souhaité, avec ce parent ou cet autre de ne pas avoir pu aller plus loin, ce sentiment ou cette émotion qu’on n’a pas pu aborder. Mais j’ai appris à respecter leur silence, ça leur appartient, et peu importe car l’essentiel c’est bien eux !

Apprivoiser l’absence, c’est aussi de très belles rencontres dans l’association. Une histoire de femmes et d’hommes qui outre le fait d’avoir eux aussi perdu leur enfant, ont cette force immense de pouvoir donner, accompagner, aider sans compter. C’est aussi pour ça que j’ai adhéré à cette association et que j’anime. Merci à ceux qui m’ont donné cette envie, à Dominique qu’on voit si peu, à d’autres qui sont partis depuis vers d’autres horizons, Fernande, Sylvain. Bien évidemment, merci également à Aliette, toujours si juste et persuasive.

Je me nourris de toutes ces histoires, de ces parcours. Parmi tout ce que je peux faire ou bien encore la manière dont j’ai pu évoluer depuis la mort de mon enfant, j’ai depuis le sentiment d’avoir fait quelque chose de l’histoire de mon fils et je suis convaincu que ces parents-là, cette association-là y contribuent et m’aident encore à apprivoiser l’absence de mon Jules.

Jean-Noël
Animateur – Apprivoiser l’absence

4 commentaires

  1. Bonjour Michèle, je viens de lire votre commentaire. J’ai perdu ma fille dans un accident à l'âge de 23 ans, le 30 octobre 2012. Je ne m’en remettrai jamais. Je n’ai pas trouvé de groupe de parole sur Marseille pour pouvoir extérioriser ma grande peine. Il semblerait que vous ayez trouvé sur Marseille un groupe de parole. Pourriez vous m’indiquer l’endroit et me dire si je pourrais me joindre à vous lorsque vous faites vos petites réunions ?
    je vous remercie infiniment d’avance pour votre réponse.
    Christine
  2. Pour moi aussi. Cela fait bientôt 7 ans que mon fils unique a perdu la vie dans un accident de la route. L'an dernier, j'ai rejoint le groupe de parole que j'avais tant cherché la première année. Il n'y avait pas d'antenne sur Marseille. Donc le fait de rencontrer des personnes ayant vécu la même chose m'a permis aussi d'aider par mon vécu et de faire revivre mon fils. Car avec le temps passé on ne me parle plus de lui. Nous sommes un petit groupe et continuons à nous voir en dehors de nos réunions pour parler de nos enfants, de notre cheminement. Michèle

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