Mistral perdu ou les événements

Deux sœurs, un lien indéfectible
Vingt-sept années partagées avec sa sœur cadette, jusqu’au brusque décès de celle-ci. Isabelle Monnin nous embarque depuis leur enfance au début des années 1970. Nous retraversons les petits et grands événements de leur vie commune et de leur génération, ponctués de paroles de leur chanteur-fétiche Renaud. C’est un beau récit fluide et sensible d’une connivence forte entre deux sœurs, “Nous sommes deux, nous sommes les Filles”, distinctes du petit frère.

Après les jeunes années truffées de complicité, la vie adulte déjà engagée bascule brutalement “Nous est morte, vivre n’existe plus et le chagrin est une maladie longue”. Eludant les circonstances, l’auteure reste ancrée aux sentiments et au lien qui perdure au-delà de la mort : “Dans le frôlement de la brise, je la sens, elle aussi est là, … elle nous regarde être ce que nous sommes”. Avec le soutien “d’un entre-deux que je nous invente, un endroit où nous ne sommes pas séparées, … une clairière à l’écart … La nuit, dans le secret de l’oreiller, venir ici est possible. Je m’allonge dans les herbes … et je peux m’endormir en murmurant nous sommes deux, puisque c’est vrai”.

Comme un point de repère immuable, sa sœur reste la personne à qui la narratrice se réfère, y compris quand elle affronte un nouveau drame “j’appelle ma sœur en silence, je voudrais qu’elle l’attende, … je voudrais ses bras d’évaporée pour serrer mon enfant… Je suis deux, je suis tous mes absents et il n’y a pas de mot au vocabulaire pour dire orpheline de sœur et d’enfant”.

Peu à peu, le lien indélébile des souvenirs fixé par l’écriture, permet d’ouvrir un nouveau registre. Alors “il est temps d’apprendre à dire je”, “je suis je, nous étions nous”. Avec la surprise de voir réapparaître un rire, arc-en-ciel : “J’ai appris à être heureuse et si triste pourtant. Ou bien : j’ai appris à être heureuse parce que si triste pourtant – ça marche aussi”!