
Le petit frère est une bande dessinée émouvante sur l’accident mortel de Gilles à 11 ans, et ses impacts familiaux. JeanLouis a 18 ans, il est le frère aîné de Dominique 14 ans et Gilles. Après 45 ans, il retrace les évènements et ce que ce drame lui “a fait”. Pour cela, il enquête auprès de ses proches et croise ainsi les souvenirs de chacun.
J’ai apprécié l’angle de vue de la jeune fratrie avec ses évolutions, sans exclusion pour autant. Dès les premiers jours du deuil, “face à des douleurs pareilles, … alors qu’on est enfant ou adolescent, et qu’on ne sait pas encore bien comment se colleter ses émotions, alors la gêne est terrible et le malaise vous submerge.” A l’enterrement, les deux frères se sentent un peu exclus par l’assistance. “Et je me souviens d’avoir eu la désagréable impression que c’était une affaire de parents. Comme si notre peine à nous n’était pas vue.”
Sans délai, la “mémoire physique” se manifeste à lui avec insistance … “la sensation de la main de mon petit frère quittant la mienne … et la culpabilité qui venait avec.”
Et la présence de Gilles, “elle était partout, tout le temps, et n’importe où”, y compris dans les rêves.
Son crayon se focalise souvent sur les visages et révèle les émotions. Ces images se substituent parfois aux mots, qui ont pris leur temps avant d’oser évoquer Gilles. “Moi, j’aurais voulu en parler … Mais je sentais bien que c’était impossible. Je sentais que parler de Gilles réveillerait un tsunami émotionnel. Et il faut bien le dire, j’avais du mal à regarder en face la peine de mes parents … Alors, moi non plus, je ne disais rien. Et j’étais en colère…”
Dans le silence et l’activisme, pour remplir le vide, les années passent. Et la vie semble reprendre son cours. “De mon côté, … j’avais décrété que j’avais une vie à vivre … et que par conséquent, au bout d’un an de larmes et de désespoir, basta, mon deuil était fait. Et du jour au lendemain, je suis passé à autre chose.”
Mais il y a eu des trous d’air,… à ne plus savoir que faire de sa peau…
Cependant, “parfois, on est sidéré de constater que la vie – on ne sait comment – a continué”. Et certains évènements, comme la paternité, poussent à faire quelques pas de plus vers l’apaisement intérieur. Egalement la mort de son père, bien plus tard, qui rassemble la famille et fait ressurgir la parole sur Gilles. Elle permet enfin à chacun d’exprimer sa propre culpabilité. Ou pour Cécile, la petite sœur née après la mort de son frère : “J’en arrivais à être triste de ne pas me sentir triste”, comme tout le monde dans la famille.
Les dessins, principalement en noir et blanc, font ressortir les couleurs vers la fin de l’album. Celles-ci révèlent les liens renouvelés dans la fratrie, et la paix intérieure qui s’invite en eux. L’auteur affirme ainsi : “Ce livre, j’y ai consacré 2 ans et 5 jours de ma vie… Il s’est imposé… Ce fut plutôt un baume apaisant sur les douleurs du passé. Et même comme une douceur d’avoir fréquenté mon petit frère pendant 2 ans.”
L’album pèse son poids de papier (340 pages) et d’émotions, y compris pour le lecteur qui pourra accueillir les siennes propres avec auto-bienveillance !
Chantal R.
En savoir plus L’intention de l’auteur chez Castermann
On en a parlé dans la presse
Radio France JeanLouis Tripp fait son deuil
France Inter “Le petit frère” de JeanLouis Tripp : un deuil bouleversant raconté avec justesse
France Info JeanLouis Tripp raconte la mort de son frère et son deuil dans un roman graphique poignant
Radio Télévision Suisse “Le petit frère” roman graphique et autobiographique de JeanLouis Tripp
La Presse Québec “Le petit frère” : Vivre après la mort