Neige fut le premier texte que j’écrivis après la mort de Manuel.
Je me souviens du travail auquel je m’astreignais pour l’écrire, malgré le chagrin et l’angoisse. C’était une lutte avec la mort. Avec le silence. Contre l’effroi.
Je n’avais pour lutter que sa petite machine à écrire et les mots. Je ne comprenais pas moi-même alors comment je pouvais m’acharner tant à trouver les mots et les phrases, au prix de tant de douleur. Et je ne comprenais pas plus comment cette douleur arrivait à être domptée, oubliée, dépassée, dans le travail où, à la dire – à ne dire qu’elle – j’employais toute mon énergie, toutes mes pensées, toute mon âme. Seul le travail de l’écriture parvenait à détacher de moi l’horreur et le chagrin et les fixer hors de moi, à distance…
Par l’écriture, je luttais contre le silence et contre l’oubli. Contre tout ensevelissement. Et si la neige, de ses doigts blancs, avait tourné sur la douleur et sur la mort de l’enfant sa page blanche et vierge, alors, c’était sur la neige qu’il fallait écrire.