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Ce soir, la douleur s’est réveillée…

Ce soir, la douleur s’est réveillée se fracassant violemment sur mon cœur telle une vague déferlante qui s’abat sur un navire lors d’un cyclone redoutable. La vie d’un parent endeuillé est très représentative de cette image. Avant le coucher du soleil, nous somme dans cet œil calme et effrayant. Nous ne sentons rien venir. Puis le soleil disparaît. Le monde s’endort avec lui. C’est là que le mal et l’angoisse s’abattent.

L’incompréhension, le déni, la colère, les fantasmes de rêves éveillés de suicide vous happent le corps entier dans la folie. Cette impression d’avoir tout perdu alors que ce n’est pas le cas. Vous avez d’autres enfants qui n’attendent plus que votre attention mais vous vous accrochez comme un ou une damnée à celui qui est parti. Votre bébé que vous avez vu disparaître morceaux par morceaux, mots par mots, phrases par phrases, chapitres par chapitres, pages par pages jusqu’à la ponctuation tant redoutée. Point.

Le livre de sa vie arrête de s’écrire le mot FIN apparaît en lettres sanglantes puis la couverture se referme d’un coup sec et violent avant même que s’épaississe l’histoire d’une vie qui aurait dû être merveilleuse mais qui s’arrête brutalement. Le livre de mon fils est très fin : trois ans et demi d’un conte inachevé laissant un goût amer de douleur cinglante intolérable.
Ce succube qui vous aspire toute votre énergie vous pèse sur les épaules. Car les chapitres de votre histoire continuent mais ils sont fadent sans passion avec de rares embruns de bonheurs qui subsistent un peu chaque jour mais qui laissent rapidement place à une torpeur envahissante et surtout paralysante.

Le nez pique, les yeux s’embuent, les larmes coulent et vous êtes piégé. Les regrets vous bouffent jusqu’à la moelle. Vôtre âme guidée par votre chagrin ère dans les tréfonds de votre passé à la recherche de la moindre parcelle de souvenirs heureux ou douloureux qui vous pousse au fond du néant dans lequel vous êtes condamné à survivre présentement. Le manque et l’absence deviennent malheureusement votre quotidien.

Soit vous choisissez de marcher, soit vous choisissez de crever. Mais une espèce de curiosité s’installe et vous pousse à avancer et espérer l’attente de jours meilleurs. Certes les épreuves s’enchaînent et semblent sans fin. Vous seule tenez la clé de vôtre destin.

Malgré votre solitude profonde, l’amour de votre vie vous pousse à vous relever et à avancer sans cesse. De toutes les façons vous ne pouvez pas vous adosser au mur de votre destinée pour souffler. Il avance mécaniquement. Si vous n’avancez pas avec lui il vous écrase et vous partez. Bien sûr, vous pouvez vous prendre les pieds dedans et rester coincé le temps que votre souffle se coupe. Mais en tant que battant ou battante vous vous dégagez tant bien que mal et vous continuez blessé(e) mais debout jusqu’à un maigre rétablissement avant que ce mur de malheur vous rattrape et vous coince de nouveau.

Alors vous vous accrochez à tous les cordages que la vie vous lancent. Les rires de votre petit dernier, les câlins et les élans d’amour de votre grand, les caresses et les attentions de votre amour de toujours… Mais vous éprouverez toujours d’énormes difficultés à vous relever. C’est normal. Laissez le temps au temps et vivez un jour à la fois, c’est bien suffisant.

Noémie Ait Elhadj

10 commentaires

  1. Mon mari s'est suicidé en juin 2014 et j'ai perdu mon fils en novembre 2022. Il avait 34 ans, la maladie l'a emporté en moins d'un an. Jusqu'à son dernier souffle, j'étais à ses côtés ainsi que sa compagne. Il est décédé chez moi dans sa chambre entouré de ses proches comme il le souhaitait. Il s'est battu et a souffert à cause des traitements pendant un an et tout ça pour rien. C'est très dur d'entendre son fils vous dire: "je suis désolé Maman je vais mourir. Je vais te faire souffrir et Mamie aussi".

    Je suis une maman qui survit, je me lève chaque matin, je fais des choses comme un robot mais je n'ai pas d'envie. J'ai perdu la joie de vivre et ce côté léger qui apporte du bonheur.

    Souvent je voudrais que tout s'arrête, ainsi je ne souffrirai plus. Mais je n'ai pas le droit de faire subir ça à ma fille, à mes petits-enfants et à ma maman qui est toujours de ce monde. Il m'a fallu cinq ans pour sortir la tête de l'eau après le suicide de mon mari mais je crois que pour mon fils toute la vie qu'il me reste à vivre n'y suffira pas.
  2. Je rentre dans la quatrième année du décès de mon fils, et la troisième de celui de mon époux. Le temps passe et s'il atténue la souffrance quelque chose se déploie qui est peut-être le désespoir. Je suis fatiguée à un point inimaginable, malgré les antidépresseurs, malgré la volonté de tenir, malgré les nuits et les jours qui passent. Le désespoir d'avoir à avancer, tenir, vivre. Je passe ma vie à n'être qu'à peine en vie, à avoir à peine envie. Je suis fatiguée, au point qu'un jour peut-être, je ne pourrai plus me lever, c'est possible, et pourtant chaque jour j'extirpe ce qui me sert de corps du lit, je fais les choses que je dois faire, je dis ce que je dois dire, je marche, je fonctionne. Franchement, je persiste à me dire que ce n'est pas une vie mais finalement, je comprends que la vie ce n'est pas d'avoir une belle vie, mais de faire ce que'on doit faire. Le devoir. Je dois élever mon plus jeune fils. Je dois travailler. Je dois faire mon ménage. Je dois...

    La souffrance est toujours là qui guette, sournoise, prête à surgir à tout moment, moins fréquemment, moins brutalement, mais un autre sentiment plus insidieux m'habite, plus féroce finalement, cette sorte d'engluement dans une non vie, une vase, et mon corps est englué dans tout ça, et mon esprit aussi.

    J'aimerais croire à la légèreté, et franchement je crois que souvent je mets le peu d'énergie qui me reste à essayer de vivre le peu qu'il me reste (et pourtant encore si longtemps) à rendre les petites choses de ma vie plus jolies qu'elles ne le sont, à visualiser la chance que j'ai d'avoir ce que j'ai, mais quand le désespoir surgit, c'est le noir et je ne vois plus rien, juste cette obligation à vivre, comme un esclave, un Sisyphe, face à l'absurdité de ce que je vis. Je vis ma vie comme une punition, je fais en sorte d'ailleurs de me punir chaque jour. Je n'ai pas pu les protéger, je les ai mal aimés, c'est ma faute tout ça.

    Je n'ai même plus envie de parler de tout ça, ça ne sert à rien, j'en sais la vacuité, et je ne veux alourdir personne de mes pensées morbides, alors j'écris, parce que je voudrais tant déposer mes pensées, les poser et m'en défaire, les extirper de ma tête. Arrêter de penser, arrêter de souffrir.

    Mais je sais bien une chose : ça s'arrêtera avec moi, car tous les jours je traine quelque chose de plus en plus lourd. Alors j'attends juste, juste de pouvoir partir, qu'il y ait quelque chose après ou rien, enfin je serai soulagée de toute cette souffrance. Mon enfer c'est là, tous les jours.

    Je ne vous connais pas, vous ne me connaissez pas, et c'est pour ça que je vous écris, parce que tous ces mots je ne peux les dire à personne, dans cette souffrance si incommensurable on est seul, seul, seul.
    Tout s'est éteint et il fait noir, comme dans mes peurs d'enfants. Je cherche à tâtons une lumière, je ne la trouve pas. Pourtant j'ai fait tant d'effort pour la voir, et parfois, je la vois qui vacille, un espoir de voir quelque chose, et puis, elle s'éloigne, encore, et je suis de nouveau seule.

    Aucun mot réconfortant dans mon texte, désolée, je n'en peux plus.
    • Bonjour,

      C'est un très beau message, expression de souffrance, de détresse et de tristesse.
      Il résonne fortement.
      Certains jours sont particulièrement difficiles : une date , un lieu, une senteur, une musique, un graffiti, un souvenir qui revient encore plus pénétrant.
      Et de plus en plus nombreux, des fragments de résilience, des pensées positives qui apaisent, des moments parfois fugaces que l'on remplit d'essentiel. Des instants de partage et de sérénité que l'on ressent et qui nous surprennent... Un long chemin que je parcours depuis 6 ans.
      Courage aux parents endeuillés
  3. Bonjour à tous, je viens de perdre mon fils de 21 ans qui était la prunelle de mes yeux. Toujours à mes côtés sans jamais râler ni rechigner à la tâche. Très affectueux et surtout très câlin envers sa sœur et moi et aussi toujours présent dans les galères de son frère aîné. Partout où j'allais il voulait être avec moi pour ne pas me laisser seule même dans les magasins de lingerie. Il était le fils dont toute les mamans rêvent d'avoir.
    Je suis à ce jour complètement détruite et je ne sais pas comment avancer sans lui. Voilà je voulais juste marqué ce petit mot à côté des vôtres. Unis dans la douleur.
    • Je ne sais pas encore exprimer ce que je ressens tellement c'est violent. Mon fils chéri est décédé chez nous dans nos bras d'un arrêt cardiaque, il allait avoir 34 ans.
      C'était notre fils unique et il n'avait pas encore d'enfant. C'était il y a deux mois et maintenant c'est Noël qui arrive. Tout ce que je voudrais comme cadeau de Noël c'est rejoindre mon fils.
      Pardon pour ce manque de courage mais je n'ai personne à qui exprimer ma douleur.
  4. Merci pour votre témoignage Noémie, si bien exprimé à travers ces mots...

    Cette douleur est une part de moi à présent et je sais que je ne pourrai pas l'apprivoiser... Elle attend toujours le moment propice pour me rappeler qu'elle est là... Comme aujourd'hui.

    Mon fils est parti à l'aube de ses trois ans, il en aurait onze maintenant. Tout a été tenté pour le sauver y compris des traitements expérimentaux, il s'est battu comme un lion, avec un courage exceptionnel et jusqu'au bout. Tous ceux qui l'ont connu, y compris les soignants, ont pu s'en rendre compte, une leçon de vie...

    A son décès, nos deux familles ont explosé, des proches, des amis, nous ont tourné le dos durablement...
    Nous étions totalement dévastés même si nous connaissions l'issue fatale de la maladie, le vide total autour de nous, plus de médecins, plus rien... Il ne resta que les fidèles parmi les fidèles : notre garde rapprochée, ceux pour qui je donnerais tout tellement ils nous ont donné...

    On nous fait encore des reproches aujourd'hui d'avoir fait souffrir nos familles et d'être à l'origine de leurs malheurs. Je culpabilise d'avoir demandé de l'aide mais je pensais à tort que si tout le monde se battait pour lui il s'en sortirait. C'était vraiment ça...

    Nous sommes restés unis autour de nos autres enfants qui sont les moteurs de notre existence... J'ai fait un burn out en 2019 dont j'ai du mal à me remettre, je sais que je pourrai reprendre une activité professionnelle mais je sais aussi que je ne m'en sortirai pas seul.

    On a mis de la distance en changeant de vie, on s'est barricadé dans un coin tranquille mais notre état de santé à tous les deux n'est pas au top. Je dois aussi consulter mais je ne peux pas en parler, j'ai même pas pu en parler à mon nouveau médecin traitant, une courte de phrase est sortie de ma bouche et je n'ai pas pu la terminer...

    Merci de m'avoir lu. Bon courage à tous

    Jérémy
    • Bonjour, je lis votre histoire.
      Un drame dans la vie comme ceci devrait rapprocher toute la famille et non l'inverse.
      Nous, c'est ce que nous faisons. Ma fille n'avait pas le même âge mais peu importe; elle avait 33 ans, s'est battue jusqu'au bout pour mériter de gagner le combat contre cette maladie.
      Nounou sommes tous unis, proches, amis, connaissances et même les soignants sont encore à notre écoute.
      Pourtant, on avait un espoir. Mais il est vite parti : aucun traitement n'a pu fonctionner.
      Va falloir être forte pour les autres qui nous aiment.
      Et laisser tomber les personnes toxiques.
    • Bonjour je suis très émue par ce qui vous est arrivé moi je suis une maman qui a perdu le 30 octobre 2022 mon fils Stéphane qui avait 46 ans; il allait avoir 47 ans le 4 novembre.
      Stéphane n'était pas heureux, il s'était marié avec une femme qui l'a détruit moralement car il était très sensible et très gentil; elle en a profité, il ne s'en est jamais remis; divorce à la suite de cela il est devenu dépressif puis bipolaire; il avait rencontré une autre femme mais cela n'a pas marché non plus; redivorce beaucoup de souffrance de nouveau; lui qui adorait les enfants n'a pas eu la chance de connaître ce bonheur.
      Sous médicament pendant plusieurs années il avait pris du poids cela aussi était très dur pour lui à vivre également et le soir du 30 octobre 2022, il s'est couché et ne s'est jamais réveillé.
      Je ne fais que pleurer, c'est trop dur.
  5. Merci pour votre texte très poignant dans lequel je me retrouve tant.

    J'ai perdu mon fils, puis j'ai perdu mon époux. Je suis condamnée à vivre pour mon petit, et comme vous, je puise le peu d'énergie que j'ai dans ses sourires, ses câlins, si nombreux. Tous les deux, comme il dit "on traversera cette épreuve". Je le vois qui vit, qui a besoin de moi, et je sais que je ne peux pas lui faire ça, pas maintenant, un jour, plus tard, pas maintenant. Ce jour arrivera, il me motive aussi, un jour la souffrance, cette souffrance s'arrêtera.

    Parce que ma vie depuis le départ de mon fils, c'est comme du chocolat à l'eau : ça ressemble au chocolat, ça pourrait en avoir le goût, mais ce n'est plus la vie. Comme vous dites : on marche ou on crève, il n'y a pas d'entre deux. Il m'est arrivé de penser que je pourrais juste rester couchée, et c'est tout, mourir tout simplement de chagrin, comme il est curieux que ce ne soit pas arrivé. Simplement je n'en ai pas le droit.

    Alors on continue, un pas après un pas, on réapprend à vivre. Mais amputée, vidée, privée de tant de choses essentielles... Je viens régulièrement sur ce site, je ne sais pas au juste s'il me fait du bien. Je viens, rencontrer une sorte de communauté, celle qui a perdu un proche, et plus particulièrement celle qui a perdu un enfant. Se dire qu'on n'est pas seul, que dans l'irreprésentable on n'est pas seul. Lire les mots que l'on pourrait écrire, les mots qu'on n'écrirait pas parce que dans la pire des souffrance nous sommes malgré tout différents.

    Mais ne pas se sentir seul. Parce que vraiment, la solitude m'habite tant. Face à tous les autres près de moi, je voudrais parfois leur écrire longuement pour leur décrire ce que je ressens. Mais pourquoi les alourdir ? pour qu'ils comprennent. Ce n'est qu'une illusion. pour comprendre il faut le ressentir. Imaginer n'est pas suffisant. alors merci pour tous ces témoignages.

    Se relever, je ne pourrai jamais, vivre vraiment non plus, je suis une ombre, mais j'espère encore réussir d'accompagner mon petit. Il n'y aura pas de temps suffisant pour apprendre à vivre sans eux. Mais avec lui, je tenterai de survivre le mieux possible.

    Bon courage à tous, à vous Noémie, comme vous dites, les rires des enfants, de nos enfants, leur peau, leurs câlins, leur petits mots, leur candeur sont autant de fils d'ariane.
    • Je comprends votre solitude face à cette grande douleur, je viens de perdre mon fils unique. Si vous le souhaitez répondez moi, peut-être pourrons-nous partager nos coordonnées pour nous apporter un peu de soutien.
      Courage à vous tous

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