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La loi sur le “congé de deuil” votée à l’unanimité

assemblee-nationaleC’est dans un hémicycle rempli et avec une émotion visible chez certains, que les députés ont adopté définitivement et à l’unanimité le 26 mai à vingt heures la proposition de loi portée par Guy Bricout, instaurant un “congé de deuil” de huit jours, en cas de décès de son enfant âgé de moins de vingt-cinq ans. “Cet texte est né dans le fracas, un fracas à la hauteur du drame que représente pour une famille la mort de son enfant, un fracas qui n’aura eu au final d’équivalent que la dignité des familles. Ces familles qui nous ont accompagnés depuis afin que la nation, enfin, les accompagne mieux”, a expliqué le secrétaire d’Etat, chargé de la Protection de l’enfance, Adrien Taquet.

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Point de départ du texte, le “congé de deuil” sera financé par la Sécurité sociale et pourra être pris dans un délai d’un an à compter du décès de l’enfant. Il se veut “universel” et s’adresse à tous : salariés du privé, fonctionnaires, professions libérales, agriculteurs, indépendants, demandeurs d’emploi… Il vient s’ajouter au “congé employeur” qui passe de cinq à sept jours. C’est donc un total de quinze jours ouvrés dont pourront bénéficier les parents qui ont perdu un enfant. Cette possibilité sera également offerte à toutes “les personnes qui assument la charge effective et permanente d’un enfant au moment de son décès”, pour tenir compte des familles recomposées. A cette solidarité partagée entre la collectivité nationale et les employeurs, s’ajoute la possibilité ouverte aux salariés de faire don de jours de repos à des collègues en cas de décès de leur enfant. Une disposition introduite en première lecture par Sereine Mauborgne qui, elle aussi, va dans le bon sens. L’entourage des personnes endeuillées se trouve souvent très démuni face à la souffrance des parents. Le don de jours offre une possibilité d’exprimer une forme de solidarité.

Au-delà des jours, la force du symbole

Le vote de cette loi ne nous rendra pas nos enfants et ces quelques jours de congés supplémentaires n’assécheront ni les larmes, ni la tragédie d’avoir à vivre avec la mort de son enfant jusqu’à la fin de ses jours. “Combien de jours pour la mort d’un enfant ? Cinq, douze, quinze ?” s’interrogeait le romancier Philippe Forest, auteur du magnifique “L’Enfant éternel”, dans une tribune au Monde le 1er mars. “On ne peut apporter aucune réponse qui soit juste ou sensée. On ne doit cependant pas renoncer à trouver une réponse qui ne soit pas tout à fait indigne.” Celle votée par les parlementaires ne l’est pas, si on considère qu’elle fait désormais de la France le pays européen qui donne le plus de jours aux parents pour la mort de leur enfant. Mais plus qu’un nombre de jours, le vote de cette loi a une portée symbolique. Il porte en lui la reconnaissance par la communauté nationale du caractère unique de la mort d’un enfant et manifeste la solidarité de tous à l’égard des parents endeuillés (lire le discours d’Adrien Taquet). C’est bien ce qu’a exprimé la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, en ouverture des débats : “Face à cette épreuve terrible, oui il faut que la nation se mobilise. Accompagner le plus possible, le mieux possible nos concitoyens, mais aussi avec une certaine humilité, car avec toute l’ampleur que l’on peut faire, ce ne sera jamais à la taille du drame qui est vécu”.

La dignité après l’indignité

Le vote de cette loi à l’unanimité par l’Assemblée nationale rattrape celui, pour le coup “indigne” des députés de la majorité qui, en première lecture, avait suivi l’avis du gouvernement et refusé de voter cette proposition de loi au motif qu’il ne revenait pas aux entreprises de financer cet acte de solidarité. Face au tollé déclenché dans l’opinion, le gouvernement avait été contraint à une volte-face aussi gênée que spectaculaire en moins de quarante-huit heures, et s’était rapidement engagé dans une concertation avec les associations de deuil et les syndicats. Cette concertation à laquelle Apprivoiser l’Absence a pris part, a porté ces fruits puisque le 3 mars, le Sénat votait à l’unanimité une proposition de loi qui, non seulement actait la création du “congé de deuil”, mais ouvrait de nouveaux droits pour les parents, et même certains pour les frères et soeurs qui sont trop souvent les grands oubliés de ce drame. C’est ce texte qui a été voté à son tour le 26 mai en deuxième lecture à l’Assemblée nationale dans les mêmes termes que celui adopté au Sénat, ce qui permet son application immédiate (lire en encadré le détail des mesures).

Merci, merci, merci, mais…

“Qu’importe le chemin, pourvu qu’à la fin l’humanité l’emporte”, s’est exclamé François Rufin dans l’hémicycle. “De ce vote, faisons nation solidaire”, a renchéri Sereine Mauborgne. C’est ce qui a été fait, et bien fait. Au final, jamais autant de droits nouveaux n’avaient été octroyés aux parents endeuillés. Jamais surtout la collectivité nationale par l’intermédiaire du gouvernement et des parlementaires, n’avait reconnu dans ses mots la souffrance si particulière des parents et frères et soeurs en deuil; et n’avait tenté dans ses actes, de l’adoucir. Pour tout cela, merci.

A l’avenir, nous resterons pourtant vigilants. Nous savons bien que si le deuil est l’expérience de vie la plus partagée, il reste aussi un des sujets les plus tabous de notre société. Grâce à cette proposition de loi, la question du deuil des parents a émergé un court instant dans l’espace public. Cette parenthèse risque de se refermer rapidement. Les associations de deuil et de fin de vie ont nourri le gouvernement de nombreuses propositions, dont une partie seulement se retrouve dans cette loi. Il reste encore beaucoup à faire notamment pour sensibiliser l’ensemble de la société à la question du deuil. Nous, parents et associations, sommes prêts à continuer à apporter notre expérience à ce débat, mais nous avons besoin d’interlocuteurs – gouvernement, administration, partenaires sociaux, etc. – pour continuer ce qui a été commencé.

Olivier M.


Ce que dit la loi 

  • A compter du 1er juillet 2020, est instauré un congé de deuil de huit jours, fractionnables pendant un an, financé par la sécurité sociale pour tous les actifs qui assuraient la charge effective de l’enfant. A ce congé de deuil, s’ajoute un congé employeur de sept jours ouvrés (au lieu des 5 existants). La loi permet par ailleurs le don de jours de congés entre salariés.
  • La loi prévoit la prolongation de trois mois des prestations familiales (allocations familiales, complément familial, allocation de soutien familial), ainsi que celle de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé. Cette disposition nécessite un délai de mise en oeuvre et interviendra au plus tard l’an prochain.
  • A compter du 1er juin 2020, elle permet le versement d’une allocation forfaitaire pour les obsèques dont le montant sera de 2000 euros pour 95% des familles qui se situent dans les tranches 1 et 2 des allocations familiales, et de 1000 euros pour les familles de la tranche 3.
  • La loi permet le lancement d’une expérimentation avant la fin de l’année pour un meilleur accompagnement psychologique des parents et de la fratrie. Des consultations de psychologues seront remboursées et viendront compléter l’offre de soins existante.
  • Elle ouvre le maintien des droits au titre du RSA et de la prime d’activité pendant un an.
  • La loi offre une protection du salarié pendant treize semaines, à l’instar de celle qui existe après la naissance. La rupture du contrat de travail ne sera pas possible pendant cette période.
  • A partir du 1er juillet 2020, la loi supprime le délai de carence pour le premier congé maladie pris dans les treize semaines suivant le décès de l’enfant.

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